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La clé pour lutter contre les futures pandémies ? Les forêts anciennes, dit le gourou des champignons, Paul Stamets.

4 décembre 2020 | IJL

Le spécialiste des champignon Paul Stamets présente un agaricon, un champignon qui pourrait être utilisé dans le combat contre les virus, dont le COVID-19. Photo : Rochelle Baker

Avec un soin presque affectueux, le mycologue Paul Stamets hisse une énorme conque d’agaricon pour mieux la montrer.

Le grand champignon noueux aux couches d’apparence boisée, plus précisément le polypore Fomitopsis officinalis, a environ la taille du torse d’un enfant en bas âge.

Son apparence terne ne laisse pas présager les propriétés médicales inestimables que l’agaricon – et une foule d’autres champignons – pourrait posséder, explique M. Stamets, qui est à la recherche depuis des décennies du champignon en voie de disparition.

Utilisé depuis des millénaires comme médicament traditionnel pour traiter les maladies respiratoires, ce champignon, selon M. Stamets, a des propriétés antibactériennes et antivirales, potentiellement très bénéfiques pendant cette période de pandémie.

« Ce champignon rare et ancien a une histoire d’utilisation de plusieurs milliers d’années en Europe », explique M. Stamets, lors de ses recherches sur l’île Cortes, en Colombie-Britannique.

« En fait, le médecin grec Dioscorides a décrit l’agaricon comme “l’élixirium ad longam vitam”, ou l’élixir de longue durée de vie », explique-t-il, ajoutant qu’il était utilisé pour traiter une maladie des poumons, déterminée plus tard comme étant la tuberculose. Les cultures autochtones du nord-ouest du Pacifique signalent également l’utilisation de ce champignon, a-t-il ajouté.

« Nos ancêtres n’étaient pas stupides », dit M. Stamets. « Grâce à des essais et des erreurs commises pendant des milliers d’années, en cherchant des champignons dans la forêt, ils ont découvert plusieurs espèces extraordinaires avec de nombreux avantages potentiels. »

Véritable figure de proue du monde de la mycologie, Paul Stamets est une sorte de messie du champignon qui prêche aux masses sur le mycélium. Et il semble qu’il fait du progrès.

Il est non seulement l’auteur de plusieurs livres, mais aussi d’une conférence TED Talks, intitulée « Six Ways Mushrooms Can Save the World », qui a été visionnée plus de six millions de fois.

Plus récemment, il a participé à « Fantastic Fungi », un documentaire présentant de magnifiques photos et une série de mycologues professionnels et d’amateurs.

Dans le film, ils soutiennent que les champignons – et leur immense réseau souterrain de filaments fongiques, le mycélium – représentent la réponse potentielle à une multitude de problèmes, notamment les maladies, la dépression et le changement climatique.

Paul Stamets a participé à une gamme vertigineuse de projets de recherche qui explorent les propriétés des champignons et leurs effets sur certaines souches de la tuberculose et de la variole, ainsi que leur capacité potentielle pour filtrer les toxines ou les polluants de l’environnement.

Il est particulièrement enthousiaste, car certaines découvertes suggèrent que les extraits fongiques peuvent aider à protéger les abeilles de certains virus qui contribuent à l’effondrement des colonies.

Mais seule une fraction des millions de champignons qui existent ont été identifiés et leurs applications médicales potentielles n’ont pas été explorées, explique M. Stamets.

Donc, maintenir ce réservoir de biodiversité est essentiel pour libérer leur potentiel connu et inconnu, ajoute-t-il.

Paul Stamets considère les forêts anciennes de la Colombie-Britannique comme une ressource inestimable en termes de génome fongique, en particulier pour l’agaricon.

Ce champignon à longue durée de vie – qui peut survivre jusqu’à 75 ans, mais qui est en voie de disparition en Europe et rare dans le Nord-ouest du Pacifique – germe généralement à partir d’arbres âgés de 150 ans ou plus.

« Lorsque nous abattons les forêts anciennes, nous perdons potentiellement des bibliothèques génomiques qui pourraient avoir une souche de champignons avec d’énormes implications pour la biosécurité humaine, ainsi que pour la santé des habitats », explique M. Stamets.

« C’est-à-dire que sauver les forêts anciennes peut être considéré comme une question de défense internationale contre les pandémies ».

« Et je pense que ces mots résonnent encore plus aujourd’hui, avec une vérité plus profonde »

Stamets essaie donc de cultiver et de préserver autant de souches d’agaricon que possible dans l’espoir de trouver une super-souche potentielle.

Il a jusqu’à présent environ 80 souches en banque et espère en découvrir davantage, en particulier sur l’île Cortes, qu’il décrit comme étant un refuge pour l’ancien champignon.

« Je suggère juste en plaisantant que l’île Cortes soit renommée Agaricon Island », dit-il.

« Mais il y a plus d’agaricon sur cette île que je n’en ai vu dans n’importe quel autre habitat, où que je sois ».

Il espère même créer une unité de recherche sur l’île.

« Je considère l’île Cortes comme une station de terrain idéale », dit-il. « Ce que je compte faire, c’est créer une filiale qui emploiera des personnes… dans des efforts pour sauver la forêt et sa mycodiversité. »

M. Stamets souligne qu’il ne cueille jamais de champignons agaricon lorsqu’il les trouve. Vivants, ils sont beaucoup trop précieux. Il prend simplement un petit échantillon pour le cultiver et pour faire des tests supplémentaires.

Il travaille actuellement à la mise en place d’études cliniques utilisant le champignon pour traiter des patients atteints de COVID-19 aux États-Unis.

Et il adorerait voir des études similaires établies au Canada.

Cependant il admet qu’il peut être très difficile de persuader des scientifiques ou des médecins à entreprendre des projets de recherche.

« C’est une science étrange », explique-t-il, ajoutant que l’exploration du potentiel médical des champignons est un domaine émergeant.

« Je veux dire, quand quelqu’un entend cela pour la première fois, je peux comprendre pourquoi cela sonne un peu étrange. Je ne leur en veux pas. »

Mais sauver les forêts anciennes est un investissement potentiel qui pourrait aller bien au-delà de la valeur de la production de deux-par-quatre, a-t-il proclamé.

« Je pense que la Colombie-Britannique pourrait entrer dans l’histoire médicale comme un réservoir de champignons, trouvés dans les forêts anciennes, qui pourraient empêcher les pandémies — maintenant et dans l’avenir », conclut-il.

« Mais c’est une histoire difficile à raconter. »

Rochelle Baker / Initiative de journalisme local / National Observer
Traduction : Radio Victoria

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