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Boris Vian en son deuxième siècle

16 mars 2020 | Radio Victoria

Boris Vian, photographie d’identité issue d’une machine Photomaton
IMAGE : Photomaton Archives Cohérie Boris Vian » (propriétaire du cliché) — Archives de la Cohérie Boris Vian

À l’occasion du centenaire de la naissance de Boris Vian, le 10 mars 1920, l’Université de Victoria a accueilli un colloque vous permettant de voyager dans les rues de la capitale française et ses environs, sur les traces d’une des plus singulières et étincelantes figures de l’après-guerre en France.
Libre penseur à l’humour grinçant et un brin désenchanté, l’écrivain, chanteur, auteur et musicien Boris Vian aura traversé Paris à la vitesse de la lumière et marqué de son génie créatif et poétique le 20ème siècle. Etienne Farreyre, Attaché de Coopération culturelle et éducative au Consulat de France à Vancouver, nous parle de ce colloque auquel il participe à Victoria.

Boris Vian est né le 10 mars 1920. Dans sa courte carrière d’écrivain (il meurt à 39 ans), il s’est illustré comme romancier, poète, nouvelliste, chansonnier, scénariste, chroniqueur et traducteur. Artiste protéiforme, Vian fut aussi un trompettiste de jazz reconnu dans la période de l’après-guerre, un critique de jazz apprécié, et même un librettiste inattendu dans les années 1950. Boris Vian est-il devenu un classique malgré lui ?

Aujourd’hui encore, L’Écume des jours demeure son chef-d’œuvre mondial (quarante traductions). Dans quelle mesure Vian a-t-il bénéficié de la publication de ses Œuvres complètes chez Fayard en 15 volumes entre 1999 et 2003, et la parution de ses Œuvres romanesques complètes à la prestigieuse Bibliothèque de la Pléiade (Gallimard, 2010) en deux tomes ? Nonobstant le succès commercial de cette dernière édition, on peut se demander si cela a créé un gain culturel symbolique auprès d’un lectorat aguerri et plus intellectuel, a contrario de l’image tenace de Vian comme écrivain pour adolescents.

Ce colloque va donc se tourner résolument vers l’avenir, le deuxième siècle d’existence de Boris Vian, en s’écartant d’une rétrospective qui ne ferait que ressasser tout ce qui est déjà bien connu de sa vie, de son œuvre et de son statut de figure de culte. Nous voulons justement éviter de retomber dans le piège de l’illusion biographique qui a suscité plusieurs ouvrages faisant valoir les caractères sensationnels de sa vie et de son œuvre. C’est le cas notamment du « scandale » de Vernon Sullivan, réactivé par le numéro de juin 2019 du Nouveau Magazine Littéraire (qui sous-titrait paradoxalement ce dossier par « l’idole des jeunes »). Pour faire sortir Vian de sa légende, on s’intéressera ainsi plutôt à sa réception aujourd’hui, à l’internationalisation de son œuvre toujours traduite de par le monde, et aux divers avatars que cette production multiforme continue de générer dans des formes aussi diverses que l’opéra, le cinéma, le théâtre. L’Écume des jours, par exemple, a fait l’objet d’adaptations dans ces trois genres, et bientôt ce sera au cirque. Le fait que les intervenants de ce colloque viennent de sept pays différents (voir le programme provisoire) n’est pas étranger à ce phénomène.

On abordera aussi dans ce colloque la question de l’américanité chez Boris Vian. Paradoxalement, cet homme qui adulait tant le jazz, les polars et la science-fiction importés des États-Unis n’a jamais franchi l’Atlantique. Mais sa popularité au Québec est née très rapidement, pour féconder des œuvres telles que celles de Réjean Ducharme et Raoul Duguay. On se souvient que Pauline Julien a enregistré un 33 tours de chansons de Boris Vian (1966), et que le poète écrivain Patrick Straram a pris le pseudonyme de Bison Ravi dans les années 1970.

Le caractère exemplaire de l’œuvre de Boris Vian doit aussi nous faire nous interroger sur un nouveau regard critique que nous pouvons désormais lui porter. En effet, après le purgatoire des années soixante qui a propulsé Vian sur le devant de la scène littéraire, suivi de colloques et exégèses qui ont fleuri dans les années soixante-dix et quatre-vingts, force est de constater qu’un silence par trop boudeur s’est depuis insinué dans le monde universitaire. En avril 2009, à l’occasion du cinquantenaire de la disparation de Vian, le magazine Lire lançait un sondage : « Boris Vian mérite-t-il d’entrer en Pléiade ? » Certaines réponses positives sont parlantes ; pour plusieurs écrivains c’est d’avoir lu Vian qui les a propulsés dans le désir d’écrire de la fiction. S’interroge-t-on sur la qualité de chaque écrivain qui entre en Pléiade ? Pourquoi Vian continue-t-il de faire naître chez certains ce rejet qui se traduit sur une échelle de mérite  ?

Les trois journées du colloque seront divisées en cinq séances : Musicalités, Sullivan et l’Amérique, Catégorisations, Thématiques, Adaptations. Notre invité d’honneur : Pascal Ory, soudera en quelque sorte ces regroupements, en entremêlant les courants culturels de l’après-guerre aux talents multiples de Vian à cette même époque, dans laquelle il œuvre à peu près partout.

Marc Lapprand

Source : hcmc.uvic.ca/vian/presentation.php

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